L'avis du spécialiste
Les raisons qui avaient poussé le
Docteur et Donna au vernissage de cette exposition en 2157 à New
York demeuraient obscures pour l'un comme pour l'autre. Le Tardis
avait décidé que cette réception leur serait probablement
agréable. Maintenant qu'ils y étaient, ils ne regrettaient pas de
s'y trouver. L'ambiance y était tout à la fois détendue et chic,
les visiteurs réellement sympathiques et les œuvres, il fallait
bien le reconnaître, intéressantes... Pour ne pas dire étonnantes
pour la majorité d'entre elles.
Entre des sculptures immenses, à
l'aspect particulièrement déroutant et les représentations
symboliques de la nature même des rêves à base de légumes bio
poussés sous serre préservée, certains de ces objets inestimables demeuraient des énigmes, même pour un spécialiste comme le Docteur. C'était tout du moins
ce qu'il avait dit à Donna. Mais pour le côté spécialiste, il
devait reconnaître qu'il avait quelque peu exagéré ses talents. Il
n'avait cependant aucunement l'intention de dévoiler cette petite
omission.
Tous deux déambulaient, le Docteur se
lançant dans des explications lyriques au sujet de certaines œuvres
plus anciennes, dévoilant ainsi certaines de ces rencontres avec de
grands artistes de l'humanité.
« Cette peinture est étonnante
Donna. Vous savez, j'ai rencontré son créateur, Lord
Sylvester. Inventeur du mouvement du néoréalisme inversé. »
« Son nom ne me dit absolument
rien... Pas plus que son mouvement inversé...»
« Pas étonnant, répliqua le
Docteur en riant, il n'est pas encore né à votre époque... »
« Son tableau est pourtant l'un
des plus... Normaux... Que j'ai pu voir jusqu'ici... Pas de
chou-fleur, de céleri ou autre objet au symbolisme totalement
détourné. »
« Hey, ne critiquez pas le
céleri, c'est très bon le céleri... »
« Ne me dites pas que vous voulez
entrer dans la confédération des mangeurs de légumes... »
Pouffa la jeune femme.
« Peut-être pas... Mais...
Disons que j'ai été le représentant de l'importance du céleri à
travers l'univers... Fut un temps... »
« Nooon... Ne me dites pas que
vous portiez fièrement les couleurs de ce légume tout de même ? »
Le Seigneur du Temps ne répondit rien
et fixa d'un air assez effrayant son amie.
« OK, vous étiez l'ambassadeur
du céleri, parfait ! » Répondit simplement Donna en
souriant d'un air sage, quoi qu'un peu amusé avant de continuer :
« Bien, que pouvez vous me dire de cette peinture, monsieur le
spécialiste en art ? »
Le Docteur lui offrit un sourire
retrouvé :
« Hey bien, cette œuvre de Lord
Sylvester n'est autre que la première tentative de représenter le
monde au travers du prisme déformant de la... »
Continuant ainsi sous le regard
visiblement impressionné de Donna, le Docteur ne remarqua pas la
présence d'un tout nouveau auditeur. Un homme grand, dans une longue
tunique à la mode dans les milieux en vue. Il demeure ainsi sans
bouger laissant le Docteur expliquer la puissance des lignes
transversales avec toute l'énergie dont le Seigneur du Temps est
capable.
Ce fut lorsque Donna fit remarquer à
son ami que son verre de champagne était vide que l'homme s'autorisa
à les aborder.
« Excusez-moi, j'espère ne pas
vous déranger. Madame, monsieur, je me présente, Mister Freston.
Propriétaire de cette galerie d'art. J'ai cru comprendre que vous
étiez un spécialiste en art, monsieur, que vous possédez même un
doctorat. Cela pourrait nous être très utile. Une petite
confrontation artistique amicale m'oppose à mon excellente amie Lady
Streez. Vos connaissances pourraient permettre de nous
départager... »
Le Docteur, incapable de dire non,
comme toujours, accepta avec le sourire ce challenge.
« Formidable ! S'exclama
Mister Freston en sautillant de joie. Veuillez me suivre, que je vous
présente l'objet de notre conflit. »
Donna suivit le Docteur dans une salle
attenante, interdite au public. Mister Freston plaça le Docteur face
à une une sculpture impressionnante... Qui le laissa bouche bée.
Lady Streez le regardait avec un air d'attente impatiente.
« Très bien, cher ami... Que
pouvez-vous nous dire de ce petit bijou ? »
Le Docteur ne répondit rien et se
frotta le menton d'un air assez embarrassé. Que dire à ce pauvre
Mister Freston et son amie ? Que ce morceau de métal déformé,
compressé, fusionné à une matière rosâtre, n'a rien à voir avec
de l'art ? Que ce qu'ils devant les yeux n'est rien d'autre que
le tombeau involontaire d'un infortuné Tyrop dont le vaisseau s'est
déformé et à brûlé, lors d'une traversée accidentelle de
l'atmosphère terrienne ? Que le pilote de ce taxi de l'espace a
du quitter son véhicule d'urgence, le laissant s'écraser sur la
planète sans possibilité de faire autrement ? Que ce qu'ils
ont devant les yeux n'est rien d'autre qu'une carcasse de voiture
compressée...
Bien évidemment qu'il ne pouvait pas
leur avouer cette vérité. Que leur raconter comme histoire dans ce
cas ? Une dont il a le secret... C'est une évidence !
Le Docteur pouvait voir Lady Streez
trépigner d'impatience.
« Hey bien..., Commença-t-il, la
main toujours sur le menton. Il s'agit là d'une bien impressionnante
chose. Je ne pensais définitivement pas trouvé cela ici ! »
« N'est-ce pas la plus admirable
compression que vous n'avez jamais vu ? » S'exclama Mister
Freston.
« Certes ! » Répondit
le Docteur.
« Pensez-vous qu'il s'agisse d'un
original... ? » Demanda la Lady.
« Cela ne fait aucun doute que
nous nous trouvons devant quelque chose d'original ! »
Lança Donna d'un ton plein de dérision que le Docteur fut cependant
le seul à ressentir.
Le Docteur remarqua alors la toute
petite étiquette à la base de la sculpture bien involontaire, et
l'artiste à qui cette carcasse était attribuée : César. Le
légendaire sculpteur français, bien connu pour avoir mit son œuvre
entre les mains d'une récompense d'un autre art, le cinéma.
Autrement dit, les Césars !
« Hey bien... Mister, my Lady,
j'ai l'honneur de vous affirmer que cette remarquable œuvre est
belle est bien le fruit du grand César... Un homme extraordinaire,
novateur, visionnaire ! Il s'agit d'ailleurs là de sa dernière
œuvre, demeurée cachée durant de longues années... »
Donna regarda le Docteur mentir avec
toute la conviction dont il était capable. Ce qui convaincu
immédiatement le couple d'amateurs.
Son amie lui lança un regard complice
accompagné d'un sourire joyeux...
Jusqu'au moment où le Docteur se
commença à mêler vérité et mensonge.
« La dernière fois que j'ai
rencontré ce grand monsieur, il m'a parlé de son désir de... »
« Que dites vous-là ? »
S'exclama avec un ton outré l'hôte de cette soirée.
« Docteur, il serait peut-être
temps de ne pas oublier que nous avons à faire ailleurs... »
S'écria Donna.
« Certes ! » Répondit
le Seigneur du Temps, agrippant la main de sa compagne avant de s'élancer.
« Oh... Vous et votre manie de
vous faire remarquer... Incapable de garder vos rencontres pour
vous... » Claqua la jeune femme au moment de quitter l’enceinte de
la galerie.
« Promis, la prochaine fois, je
vous laisse tenir le rôle de la spécialiste en art... »
S'écria-t-il en se dirigeant d'un pas vif vers son vaisseau... Déjà
que son précieux Tardis avait été un jour prit pour une œuvre
d'art moderne, il ne manquerait plus qu'elle ne rejoigne la collection
de leur nouvel ami.
Mais jamais ni le Docteur ni Donna ne
connaîtrait les raisons qu'avait la boite bleue pour les avoir déposé
ici.